L’Horloge Publique,
Régulatrice de notre vie sociale
depuis le Moyen Âge

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Au commencement : les cloches

Cloches de Saint-Jean Baptiste à Liège

Cloches de Saint-Jean Baptiste à Liège.
Source Web ici.

Bien-sûr, nous ne nous en rendons plus compte. Nos vies, nos rendez-vous, nos émissions de télé, nos rythmes quotidiens sont réglés à quelques minutes près sur l’heure officielle, heure dont nous avons connaissance par nos montres, nos téléphones portables et les multiples horloges intégrées dans les appareils électroniques qui nous entourent : four, TV, cafetière, ordinateur, etc. Ces indications horaires sont devenues omniprésentes dans notre quotidien. Sans que nous nous en rendions compte, elles ont en fait une fonction première, celle de réguler ou plus exactement de synchroniser notre vie sociale : heure de début du travail, de telle ou telle activité, heure d’ouverture et de fermeture des magasins, etc. Les exemples peuvent être multipliés à l’infini. Ce qui est important ici est que l’heure permet de synchroniser nos activités communes, en un mot notre vie sociale.

Les heures canoniales

Les heures canoniales furent utilisées durant tout le Moyen Âge. Il s’agit d’une évolution des heures du monde romain, qui étaient elles-mêmes basées sur une division en douze de la journée de lumière et également en douze de la nuit. Cette évolution conduisit à utiliser pour marquer le temps de la journée uniquement les heures des prières et offices religieux :

Du système Romain de deux fois douze heures, nous sommes donc passés au Moyen Âge à un système où la journée de lumière était divisée en quatre grandes parties : du lever du soleil à tierce, de tierce à sexte, de sexte à none et de none à vêpres.

Le découpage en deux fois douze heures restait compris par les érudits, même s’il n’était plus utilisé. Dans la pratique, ce découpage subissait de grandes variations locales, les heures temporelles et les heures canoniales ne coïncidant pas.

De plus, du XIe au XIVe siècle, les heures canoniales se sont décalées petit à petit vers le matin, de telle sorte que none s’est retrouvé à midi. C'est d'ailleurs ce qui donna en anglais le mot noon.

L’origine de la synchronisation de la vie sociale par la mesure du temps remonte à l’antiquité. Mais nous débuterons notre parcours au Moyen Âge, avec l’apparition des cloches dans les clochers, probablement au Ve et VIe siècles, pour sonner « les heures », qui désignaient à l’époque les prières et offices des monastères et autres églises. Le reste de la vie sociale est alors ajustée sur ces sonneries des heures dites canoniales. L’on disait par exemple commencer le travail un peu avant prime, ou rentrer pour les vêpres.

Dans les bourgs, du VIe au Xe siècle environ, la vie sociale se cale donc sur la sonnerie des offices religieux. Mais assez vite, la cloche est utilisée pour indiquer d’autres évènements, tels qu’une attaque de brigands, un incendie ou encore le rassemblement du tribunal.

L’étape suivante consista à multiplier le nombre de cloches et le nombre de sonneries pour réguler l’ensemble de la vie sociale : convoquer tel ou tel conseil, rassembler les habitants, proclamer les jugements ou les avis, ouvrir ou fermer des portes de la ville, commencer le marché de gros, commercer le marché pour les particuliers, etc. Les cloches ne servaient donc plus seulement à signaler les offices religieux, mais tout autre évènement du bourg. La plupart des cloches étaient utilisées pour des usages à la fois religieux et civils. D’autres, installées dans les beffrois, ont un usage strictement civil.

Chaque sonnerie pouvant durer 1/4h ou 1/2h, une journée ordinaire dans les villes comportait facilement 2 à 3 heures de sonneries diverses et variées.

Les cloches de Trévise
(nord de l’Italie)

Pour se rendre compte de ce que représentait cette multiplication des cloches et des signaux horaires, citons l’un des exemples pris par Gerard Dohrn-van Rossum dans son excellent ouvrage [B0007, p. 215] :

A la fin du XIIIe siècle, Trévise n’avait qu’une grande cloche (« campana ») et une petite cloche (« campanella »). Sonnée non pas à la corde mais au marteau (« a martello »), la grande cloche appelait aux armes les hommes entre seize et vingt ans. On l’utilisait pour convoquer le « consiglio maggiore », et jusqu’en 1314 elle servit de cloche de l’Ave Maria, qui signalait aussi la fin du travail dans la ville. Le début du travail était annoncé avec la « campanella », qui appelait – sous le nom de « campanella degli anziani » - à l’assemblée de la « curia del podesta ». L’assemblée des habitants était convoquée par les deux cloches à la fois. Frappée avec le marteau, la petite cloche convoquait aussi les cinq cents habitants armés en permanence. Enfin, la commune fit installer en 1315 une nouvelle cloche de taille moyenne, « campana magna nuova [ou encore] la marangona », qui dans un premier temps devait réguler le temps de travail dans la ville au lever et coucher du soleil, mais qui, parce qu’on l’entendait mieux, fut ensuite également utilisée pour les assemblées du conseil.

Nous voyons donc combien les cloches devinrent les instruments de la régulation sociale, de la vie en commun. A leur fonction utilitaire, s’ajoutait conjointement une fonction symbolique en ce qu’elles représentaient l’identité sociale et politique de la ville.

Le développement des pays d'Europe du XIe au XIIIe siècle

Charrue au Moyen Age

Aristote, Politiques et Économiques,
Manuscrit du XVe siècle
Source: BnF

Dans cette première moitié du bas Moyen Âge, l'Europe effectue une mue importante sur le plan social, économique et technique.

Dans les campagnes tout d'abord, de nouvelles techniques agraires se généralisent, telles que la charrue à roue et à versoir, l'assolement triennal avec une année de jachère sur trois au lieu d'une sur deux précédemment ou encore le ferrage des chevaux. De même, le moulin à vent apparait à la fin du XIIe siècle et se généralise lentement. Conséquence directe de ces évolutions, les rendements augmentent ainsi que la population. En France par exemple, celle-ci passe de 8 à 16 millions, entre le Xe et le XIVe siècle environ.

Rue Marchande au Moyen Age
Rue Marchande - Enluminure extraite du livre de
Gilles de Rome, Livre du gouvernement des princes,
début du XVIe siècle. Source BnF.
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L'expansion et la mutation des bourgs et des villes sont également remarquables. Au-delà de l'évolution démographique, le commerce se développe considérablement avec les marchés et les foires, parfois permanentes comme en Champagne. D'autre part, les professions se spécialisent de plus en plus et s'organisent en corporations qui régulent le marché de l'offre et de la demande. Notons enfin l'autonomie que les centres urbains acquièrent petit-à-petit par rapport aux seigneurs.

A cette même époque, les universités apparaissent : la Sorbonne en 1215, Toulouse en 1229, Montpellier en 1289, etc. Ces premières universités témoignent non seulement d’un renouveau intellectuel, mais également d'un début d'indépendance vis-à-vis du pouvoir ecclésial local d’une part et laïc d’autre part.


 

Les premières horloges mécaniques

C’est dans ce contexte de multiplication des signaux horaires que se déploient les premières horloges mécaniques, à la fois dans les monastères et dans les villes. Les circonstances de l'invention de l'horloge mécanique ne sont pas clairement identifiées. Il s'agit plutôt d'une lente évolution, principalement faite à partir des horloges à eaux qui étaient devenues partiellement mécaniques, puis petit-à-petit entièrement mécaniques. Les documents de l'époque ne nous permettent ni de dater ni de préciser clairement les étapes de cette évolution. Et les chercheurs médiévistes se perdent en conjonctures dans lesquelles nous ne rentrerons pas ici. Cependant, nous pouvons dire qu'il y a désormais consensus sur le fait que les premières horloges entièrement mécaniques datent de 1270 - 1320, fourchette assez large, mais qui est assez différente des anciennes évaluations qui faisaient remonter, à tort, cette invention de plusieurs siècles en arrière.

Au-delà des détails techniques liés à l'objet « horloge », précisons ici quelques grandes étapes de cette évolution qui mène à l'horloge mécanique et surtout à son entrée progressive dans la vie quotidienne.

Horloge Bible Moralisée

Miniature d'une Bible Moralisée de ca. 1250 [I0011],
Illustre la guérison du Roi Ezéchias (2R 20,1-11 et Is 38, 1-8),
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XIIe siècle, réveils hydrauliques couplés à des cloches

Probablement au XIIe siècle, apparaissent dans les monastères et dans les villes des réveils ou minuteurs, partiellement mécaniques. Ces premières formes d'horloges permettaient de réveiller le sonneur pour qu'il aille sonner les cloches, en particulier celles de matines. Le mécanisme de régulation, par exemple à eau, était couplé à une modeste cloche actionnée par différents leviers ou rouages. Avec un tel système, le frère Jacques de notre comptine pouvait dormir tranquillement, attendant d'être réveillé pour sonner les matines !

 La miniature reproduite ci-contre, extraite d'une bible moralisée probablement du milieu du XIIIe siècle, illustre ce couplage d'un mécanisme d'écoulement à eau et de cloches. L'intention de l'auteur n'étant pas technique, il est difficile d'en déduire précisément son fonctionnement. Retenons simplement qu'à cette époque, les mécanismes d'écoulement à eau et les systèmes de cloches pouvaient être couplés.

Vers 1300 : Mise au point de la régulation mécanique

Puis, au cours de la seconde moitié du XIIIe siècle, le système de régulation hydraulique est remplacé par un système entièrement mécanique, avec l'invention de l'échappement à verge et roue de rencontre. Il est possible que cette invention ait été faite en plusieurs endroits indépendamment, en particulier dans le nord de l'Italie et en Angleterre. D'autre part, il est également possible que l'utilisation de la verge et de la roue de rencontre ait été d'abord appliquée à la sonnerie des cloches, puis dérivée pour la régulation du système de déclenchement. Ces hypothèses fortes ne peuvent être prouvées à partir des documents dont nous disposons aujourd'hui, mais elles demeurent très plausibles.

Au début du XIVe siècle, l'horloge entièrement mécanique était donc née. Souvenons-nous qu'il s'agit plutôt d'un gros réveil dont la fonction est de déclencher la sonnerie d'une cloche. Lors du déclanchement de la sonnerie, un marteau tape un nombre de coups indéterminé sur la cloche, probablement jusqu'à ce que le poids arrive en fin de course, ou pendant un certain temps.

Première moitié du XIIIe siècle : du réveil à l'horloge

Vers 1330, une nouvelle étape se produit, avec les horloges sonnant les heures ! Plus précisément, l'indication des heures se fait par le nombre de coups frappé sur la cloche : 1 coup pour une heure, 2 coups pour deux heures, etc. La première indication sure de ce mécanisme est celle d'une horloge à Milan en 1337 [Source: B0007, p. 113]. Techniquement, faire sonner un nombre de coups déterminé sur une cloche nécessite la mise au point d'un système relativement complexe, dit « à roue de compte ».

Cette invention eue progressivement des conséquences inestimables. Par exemple, plutôt que s'accorder pour que le travail des forgerons commence lorsque telle ou telle cloche sonne pendant la durée de récitation d'un Pater, ou que le marché s'arrête lorsque telle autre cloche sonne environ 1/4 d'heure, il fut possible de se référer aux heures sonnées par l'horloge : début du travail à 3 heures, fin du marché à 6 heures, etc. La multiplication des cloches et des différentes sonneries dans les bourgs ne devenait plus nécessaire. Tous ces signaux pouvaient être simplifiés pour ne plus utiliser que celui de l'horloge.

Des cloches aux cadrans

Inauguration du train à Strasbourg en 1852

Cadran d'horloge à une aiguille. Lieu-dit Fortville, Briançon.
Source: base de données Palissy.
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Même l'apparition des premiers cadrans est aussi vielle que celle des horloges elles-mêmes, ceux-ci ne se généralisent qu'à partir du début du XVe siècle sur les horloges publiques. Ils n'ont alors qu'une seule aiguille, d'une part à cause de la précision des horloges à cette époque, d'autre part parce qu'une précision supérieure n'était généralement pas nécessaire. Une variante du cadran est le dyal, où c'est un disque cadran qui tourne derrière une aiguille fixe.

Quelques soient les techniques d'affichage, l'important ici est que l'on passe d'une indication sonore à une indication visuelle de l'heure, sans que celle-ci ne remplace la sonnerie toujours présente et même prépondérante pour la régulation de la vie sociale. Notons en particulier que des horloges sans cadran continueront d'être installées jusqu'au XXe siècle.

Diffusion européenne

Suite à cette série d'évolutions et d'inventions, les horloges mécaniques sont progressivement déployées dans toutes les villes d'Europe. Schématiquement :

Cette diffusion des horloges publiques continuera au cours des siècles suivants pour atteindre sont paroxysme entre 1850 et 1950 où même les petites communes de France s'équiperont.

Dans son Dictionnaire de l'industrie manufacturière de 1837, Alexandre Baudrimont estime ainsi « qu'il n'y a, en France, que 20,000 communes sur 44,000 qui aient des horloges » [A0023, p. 358]. Cette situation évoluera jusqu'en 1950, où pratiquement toutes les communes seront équipées d'une ou plusieurs horloges publiques.

Du Moyen Age à nos jours

 

Depuis les Moyen Age, les cloches et les horloges sont donc profondément ancrées dans la vie sociale des communautés urbaines et villageoises occidentales. Leur fonction sociale a continué d'évoluer par étapes successives, selon deux dimensions principales, qui sont intimement liées :

Pression temporelle et augmentation de la précision des horloges

Du XIIIe siècle au XXe siècle, la pression du temps sur la vie quotidienne devient de plus en plus importante. Alors que de vagues indications temporelles suffisaient à régler la vie sociale au Moyen Age, nous nous trouvons aujourd'hui immergés dans un ensemble d'horaires précis : heure de départ des trains, début de telle ou telle émission de radio ou de télévision, démarrage ou fin de telle ou telle activité, heure de lever pour aller à l'école ou au travail, etc. Globalement, là où une précision de l'ordre de l'heure suffisait, nous sommes souvent réglés à la minute près.

Cette évolution de la pression temporelle s'est accompagnée d'une double évolution : d'une part les horloges sont devenues de plus en plus précises au fils des siècles. D'autre part, elles se sont multipliées dans notre quotidien, l'unique horloge de l'église du village ou les quelques cloches du beffroi étant complétées par des horloges privées, comtoises, horloges de parquet ou autre forêts noires, puis des montres, sans oublier les multiples horloges qui accompagnent désormais nos appareils électroniques.

Mentionnons ici quelques étapes remarquables de cette transformation :

Abstraction des indications horaires

Table temps vrai - Lepaute Table temps vrai - Lepaute - page 2

Tables de correspondance entre le temps moyen et le temps vrai.
Source C0014: Traité d'horlogerie de J.A. Lepaute 1755.
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Conjointement à l'augmentation de la pression temporelle et de la précision des horloges, les indications horaires sont devenues de plus en plus abstraites, c'est-à-dire de moins en moins liées au mouvement de rotation de la terre autour du soleil. Dans l'antiquité, comme nous l'avons souligné plus haut, le temps diurne était divisé en 12 parties égales entre le lever et le coucher du soleil et en 12 parties égales entre le coucher et le lever du soleil. En fonction des saisons, les « heures » du jour et de la nuit n'avaient donc pas la même durée. Il s'agit du système dit des Heures Temporelles ou Heures Inégales.

Or, petit à petit, l'indication de l'heure s'est affranchie de sa référence au soleil. La première étape de cette évolution consista à utiliser des Heures égales, c'est-à-dire de même durée entre le jour et la nuit et quelque soit la saison. Cette évolution fut en quelque sorte imposée par l'utilisation des horloges, difficiles à régler différemment le jour et la nuit.

Lorsque les horloges deviennent plus précises, un autre phénomène entre en jeu : la durée entre deux midis solaires successifs ne fait pas exactement 24 heures, mais varie jusqu'à +/- 15 minutes en fonction des saisons. Ceci est lié au fait que la terre effectue un parcours elliptique autour du Soleil. A partir de la fin du XVIIe siècle, certaines horloges s'adaptent à cette variation pour toujours marquer l'heure solaire. Mais à la fin du XVIIIe siècle, les grandes villes commencèrent à abandonner ce système contraignant et à adopter un « Temps Solaire Moyen » de 24 heures précisément par jour. En 1839, le Ministre de l'Intérieur français recommande d'utiliser le temps moyen « afin d'établir la régularité dans les heures de départ et d'arrivée des courriers du service postal ». Nous avons donc là un niveau d'abstraction supplémentaire de dé-corrélation entre l'heure de l'horloge et l'heure donnée au cadran solaire, les deux étant désormais reliées par des tables de conversion.

Inauguration du train à Strasbourg en 1852

Inauguration et bénédiction du train à Strasbourg en 1852 [A0030].
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L'étape suivante consista à aligner les horloges de lieux différents sur une même heure. C'est le développement des réseaux de chemin de fer qui imposa cette mutation. Auparavant, l'heure en un endroit était déterminée par le réglage de l'horloge sur le cadran solaire (aux corrections mentionnées ci-dessus près). L'heure à Brest, à Paris ou à Strasbourg n'était donc pas la même à un instant donné, le décalage entre l'est et l'ouest de la France étant d'environ 1 heure. Ceci ne présentait aucun inconvénient pratique. Mais dans les années 1830-1850 avec le développement du train, les compagnies de chemin de fer imposèrent dans les gares des heures d'arrivées et de départs qui étaient exprimées en fonction de l'heure locale du siège de la société de chemin de fer. Par exemple, si un train partait à 8h17, heure de la gare, cela pouvait correspondre à 8h03, heure locale. Certaines horloges furent alors équipées de deux cadrans, un pour l'heure de la gare, l'autre pour l'heure locale.

En 1891, pour mettre fin à la multiplication des heures de référence, l'heure de Paris devient la référence nationale en remplacement des heures des compagnies de chemin de fer. L'heure légale fut donc encore une fois décalée par rapport à l'heure solaire.

Cette unification de l'heure sur le territoire nationale fut suivi d'une unification de l'heure au niveau international. La France attendit 1911 pour aligner son heure officielle, dite heure légale, sur celle du méridien de Greenwich. Le 9 mars 1911, l'heure légale en France devint officiellement l'heure moyenne à Paris décalée de 9 minutes et 21 secondes ! [A0032, p. 174]

 Le dernier épisode de cette longue saga fut la mise en place du système d'heure d'été et d'heure d'hiver. Pour la France, ce système fut institué en 1917, puis abandonné en 1945 et repris en 1976. Il conclut le découplage progressif entre les heures solaires et les heures légales qui sont devenues de moins en moins liées à la journée de lumière et donc de plus en plus abstraites. Cette évolution se retrouve dans nos modes de vie puisque la lumière artificielle nous affranchit en partie de notre dépendance à la lumière du soleil.

A cette évolution s'ajoute, sur le plan scientifique, une étape supplémentaire dans les années 1960. C'est alors qu'est adoptée une nouvelle définition de la seconde qui n'est plus définie comme 1/3.600 d'une heure solaire moyenne, mais comme la durée de 9.192.631.770 vibrations de l'atome de césium. La référence au soleil a donc ici complètement disparue.

Traces contemporaines de ce passé millénaire

L'angélus

Cette sonnerie, toujours utilisée en de nombreux endroits, reste une trace des sonneries du Moyen Age. En effet, elle fut progressivement mise en place à partir du XIIIe siècle pour inciter les fidèles à la récitation de l'Ave Maria, tout d'abord le soir, puis également le matin et le midi. A cet usage religieux s'ajouta en fonction des lieux et des époques, des usages civils : couvre-feu après la prière du soir puis surtout début ou fin de la journée de travail.

Comme d'autres sonneries du Moyen Age, l'angélus se doit d'être reconnaissable : il est sonné par trois fois trois coups sur une cloche, suivie de la sonnerie de la cloche à pleine volée.

[Source A0031]

Angélus de Millet

L'Angélus, de Jean-François Millet, 1858. Musée d'Orsay à Paris.
Deux paysans s'arrêtent pour prier l'angélus sonné au clocher lointain.
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Concluons cette rétrospective sur l'horloge dans la vie sociale en mentionnant que ce passé millénaire a laissé des traces encore visibles et audibles aujourd'hui. Alors que l'horloge publique du village n'est, au sens strict, plus nécessaire à l'organisation de la vie sociale, elle reste un symbole fort de l'identité communale. En témoigne les débats parfois houleux dans les communes sur la réparation de l'horloge ou sur les sonneries diurnes et nocturnes. L'horloge publique et ses cloches sont ici plus qu'un vestige d'un passé révolu. Elles ont désormais une fonction identitaire forte.

Au delà de la sonnerie des heures, la plupart des clochers de village sonnent encore d'autres évènements. En tout premier lieu, les messes dominicales continuent d'être sonnées alors même qu'un faible pourcentage de la population y assiste. De même bien sûr les mariages et les enterrements religieux.

Dans certaines communes, les cloches sont toujours utilisées pour sonner le tocsin (sonnerie de toutes les cloches à pleine volée pour annoncer un danger majeur, un incendie, une guerre), le glas (sonnerie annonçant la mort de quelqu'un) ou plus couramment l'angélus qui peut être sonné, suivant les endroits, le matin, le midi ou le soir. Cette dernière sonnerie est intéressante pour notre propos en ce qu'elle n'a pratiquement plus de fonction utilitaire mais continue néanmoins d'être sonnée en de nombreux endroits.

 

Sources et Bibliographie

De nombreux articles et livres content les débuts de l'horlogerie mécanique. Cependant rares sont les auteurs ayant réellement travaillé les documents d'époque. Pour cette étude, nous nous sommes inspirés en particulier de l'excellent travail effectué par Gerhard Dohrn-van Rossum pour sa thèse de doctorat, travail publié en différentes langues, en particulier en français sous le titre L'histoire de l'heure - L'horlogerie et l'organisation moderne du temps, Editions de la Maison des sciences de l'homme, Paris 1997 [référence notée B0007]. D'autres ouvrages ont été consultés, en particulier les références B0032, B0021, B0005, etc. Nous renvoyons à la page bibliographie pour le détail concernant ces ouvrages.

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